© Vincent Moncorgé - CNRS / Femmes & Sciences / Université Clermont Auvergne - La science taille XX elles - 2024

Adélaïde Albouy-KissiMaîtresse de conférences en informatique appliquée

Adélaïde Albouy-Kissi est maîtresse de conférences en informatique appliquée l’IUT Clermont Auvergne - site du Puy-en-Velay, et membre de l’Institut Pascal1 . Compétente en mathématiques et engagée pour un avenir durable, elle utilise l’intelligence artificielle pour développer le « Made in France » sur les territoires.

Petite, Adélaïde Albouy-Kissi passait des après-midis entières avec son père à faire des mathématiques. C’était leur moment à eux. Et le début, certainement, d’une passion durable : en grandissant, elle prend conscience que les mathématiques permettent de modéliser des problèmes complexes, à l’aide d’équations et de formules graphiques… Mais elles n’ont de valeur à ses yeux que si elles sont au service d’une application concrète. À la sortie du lycée, la jeune femme s’engage dans des études supérieures en électronique et automatisme, où les mathématiques sont notamment utilisées pour modéliser la vision. Ce domaine de l’analyse d’images l’enthousiasme, au point qu’elle décide de poursuivre en thèse à l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), elle cherchera des algorithmes pour aider les médecins à détecter des pathologies dans des images échographiques. Doctorat en poche, elle rejoint l’Institut Pascal (UMR 6602, CNRS/UCA) à l’Université Clermont Auvergne où ses travaux s’orientent vers des applications de l’intelligence artificielle (IA) à la vision par ordinateur. Elle découvre alors l’énorme potentiel de cette technologie et décide de faire un pas de côté pour changer de cadre applicatif : fini l’image, utilisons l’IA pour aider au développement économique des territoires ! Un revirement nourri par une curiosité insatiable : au cours de ses explorations, la chercheuse croise les concepts de limites planétaires, notamment concernant le changement climatique et prend conscience des risques sécuritaires qui en Adélaïde Albouy-Kissi Maîtresse de conférences en informatique appliquée Je mets l’IA au service du développement durable « […] l’IA suggère des collaborations entre entreprises. » découlent. Elle veut s’engager : parmi l’ensemble des actions à mener pour un monde soutenable, elle décide de mettre à profit ses compétences en IA pour aider à la relocalisation des productions industrielles. L’idée est simple : une production locale implique moins de transports, donc moins d’émissions de gaz à effet de serre. Fin 2019, survient l’épidémie de la COVID-19. Au pic de la crise, la France n’a plus de masques chirurgicaux, plus de gel hydroalcoolique ni de respirateurs. Un élan de solidarité naît dans la société. Certain·es ingénieur·es mettent au point des respirateurs faciles à produire en un temps record pendant que d’autres utilisent leurs imprimantes 3D pour créer des visières anti -projection. Adélaïde Albouy-Kissi, son mari et ses deux enfants en font partie : la famille embarque des machines de laboratoire dans leur grenier, qui tournent vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour produire plus de trois mille visières ! L’industrie aussi fait sa part : certaines usines de spiritueux adaptent leurs outils pour produire du gel hydroalcoolique. La scientifique réalise que l’engagement collectif est louable, mais cet épisode met en lumière la fragilité de notre stratégie industrielle et incite à développer des modèles de production plus agiles et résilients. Ses recherches prennent dès lors une nouvelle dimension : il ne s’agit plus simplement de réduire les transports, mais également d’assurer l’agilité du système productif (sa capacité à s’adapter à une production d’urgence ou à une crise du transport) et la sécurité d’approvisionnement. Or l’intelligence artificielle peut accompagner cette dynamique d’économie circulaire et le développement du « Made in France » : « Sur le modèle des plateformes de rencontres comme Tinder, l’IA suggère des collaborations entre entreprises pour trouver des clients et fournisseurs locaux ou la création de nouvelles usines », explique la chercheuse. « Elle permet aussi d’identifier les usines ayant le potentiel de transformer leur production rapidement face aux aléas. »

  • 1Laboratoire du CNRS et de l'Université Clermont Auvergne